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Droit du sport,

Un préfet peut-il interdire une manifestation sportive motorisée ?

Par Guillaume GHESTEM, Avocat, Victoria DREZE, Juriste, et Cassandra MARTIN, Apprentie juriste.

Photo by Nicole Baster on Unsplash

Les récents évènements nous ont permis de nous interroger sur la question de l’autorisation préfectorale des manifestations sportives motorisées. En effet, par un communiqué de presse du 11 octobre 2022, le préfet du Pas-de-Calais a informé que la préfecture n’autoriserait pas la tenue de deux évènements sportifs motorisés :

  • La finale de la Coupe de France des rallyes automobiles programmée du 13 au 15 octobre 2022
  • Le Beach cross de Berck programmé du 15 au 16 octobre 2022.

La préfecture a fondé cette décision sur un risque de troubles à l’ordre public en raison d’incompréhensions ou de tensions possibles des automobilistes et usagers de la route qui sont confrontés à des difficultés de ravitaillement en carburant.

Cette décision, lourde de conséquences pour les organisateurs, participants et spectateurs notamment en raison de sa communication tardive, interroge sur la procédure d’autorisation nécessaire à ces manifestations sportives.

Les deux évènements précités (la finale de la Coupe de France des rallyes automobiles et le Beach cross de Berck) sont des « manifestations comportant la participation de véhicules terrestres à moteur qui se déroulent sur des circuits non permanents, terrains ou parcours ». A ce titre, ils sont soumis à autorisation (Article R331-20 alinéa 4 du Code du sport).

La demande d’autorisation doit être présentée, par l’organisateur de la manifestation, au préfet du département du lieu de cette dernière (Article R331-24 alinéa 1 Code du sport). Cette demande doit être réalisée au plus tard 3 mois avant la date prévue pour le déroulement de la manifestation (Article R331-24 alinéa 3 Code du sport).

Une fois la demande déposée, le préfet saisit pour avis les autorités locales investies du pouvoir de police, il consulte également la commission départementale de sécurité routière. La décision d’autorisation est, par la suite, publiée et notifiée à l’organisateur (Article R331-26 Code du sport). Cette autorisation prend la forme d’un arrêté délivré par le préfet du département du lieu de départ (Article R331-26-1 Code du sport).

Selon l’article R331-28 du Code du sport, une telle autorisation de la préfecture peut être suspendue ou rapportée à tout moment lorsque des conditions de sécurité ne sont plus réunies ou lorsqu’elles ne sont plus respectées par les participants et les spectateurs.

Toutefois, le Code du sport ne prévoit pas, comme cela peut l’être pour la procédure d’approbation de la convention de collaboration entre l’association et la société sportive, que le refus d’autorisation doit être motivé ou encore qu’il existe un délai à partir duquel la demande serait réputée approuvée.

Cela semble critiquable en pratique, notamment pour les organisateurs qui supportent les frais. Ils se sont retrouvés à quelques jours du début d’une manifestation sportive, avec une préfecture communiquant sur le fait que les manifestations « ne pourront pas être autorisées par la préfecture ». Des difficultés pratiques apparaissent également compte tenu des frais et des contrats conclus en vue de la tenue de ces évènements par les participants eux-mêmes.

On peut ainsi s’interroger sur la proportionnalité de cette mesure. D’un côté, le pouvoir de police a vocation à régir les conséquences d’une vie collective, et, d’autre part, l’intérêt des associations qui organisent des manifestations sportives publiques.

Il est juridiquement possible de concilier ces deux principes. En effet, la procédure d’autorisation pour la tenue des manifestations sportives motorisées tient ce rôle. En effet, elle permet la consultation des pouvoirs de police, de la commission départementale de sécurité routière. Enfin, lorsque les conditions de sécurité, y compris pour les spectateurs, ne sont plus respectées et que l’organisateur ne prend pas les mesures nécessaires, cette autorisation peut être suspendue ou rapportée. De ce fait, nous voyons que le pouvoir de police qui a vocation à permettre la vie collective n’empêche pas les associations, ou tout autre organisateur, d’organiser des manifestations sportives motorisées à destination du public.

Toutefois, cette procédure, bien que nécessaire pour assurer la sécurité, notamment des pratiquants et spectateurs, reste perfectible.

En effet, le refus d’autorisation n’est pas encadré. Aucune obligation ne pèse sur la motivation d’une telle décision, sur l’encadrement dans le temps d’une telle procédure. Il est prévu que la demande doit être déposée au moins 3 mois avant la tenue de la manifestation, mais aucun texte ne prévoit un délai de réponse de l’autorité compétente concernant cette demande. Ainsi, par exemple, encadrer dans un délai l’obtention d’une réponse de la part de l’administration ou, le cas échéant, de considérer le silence comme autorisation, permettrait une sécurité juridique renforcée pour les organisateurs de telles manifestations.

Dans cette situation avec la préfecture du Pas-de-Calais, la mesure semble disproportionnée, l’enjeu n’est pas d’assurer la sécurité publique mais plutôt de restreindre les manifestations motorisées en raison d’un supposé risque de trouble à l’ordre public. Sur ce point, il peut être précisé que le préfet peut également prescrire des mesures complémentaires dans l’intérêt de la circulation, de la sécurité ou de la tranquillité publiques, et de l’environnement. En l’espèce, le préfet du Pas-de-Calais aurait pu ajouter de telles prescriptions comme condition à l’obtention de l’autorisation. Toutefois, le délai très bref entre l’annonce de la non autorisation des manifestations et de la programmation de ces dernières a pu limiter cette possibilité.


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