Essentiel Avocat Sport

Droit du sport,

La société coopérative d’intérêt collectif et la société à mission

Par Guillaume GHESTEM, Avocat, Victoria DREZE, Juriste, et Cassandra MARTIN, Apprentie juriste.

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Le secteur sportif est en voie de professionnalisation, dans le sillage de ce qu’a connu le football français. Ce secteur économiquement important se veut vecteur d’un certain nombre de valeurs. Chaque entité du milieu et plus particulièrement les associations, qui constituent les sociétés sportives, défendent et promeuvent leur identité. A l’image de ces dernières, des constructions juridiques peuvent être utilisées pour les sociétés sportives, c’est le cas notamment de la société à mission et de la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC).

1) La société à mission

La loi PACTE du 22 mai 2019[1] a permis la création de la qualité de société à mission. Cette qualification peut être utilisée par les sociétés commerciales pour affirmer publiquement leur raison d’être ainsi qu’un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux qu’elles se donnent pour mission de poursuivre.

Des conditions doivent être respectées par la société commerciale pour qu’elle fasse état de la qualité de société à mission :

  • Les statuts de la société doivent préciser une raison d’être. Cette dernière est « constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité »[2]. Cette précision, applicable à toutes les sociétés, y compris civiles, a été ajoutée par la loi PACTE de 2019.

Il n’existe pas de définition de la raison d’être, cela permettant à tous les acteurs de pouvoir lui donner le sens qu’ils entendent.

  • Les statuts de la société doivent également préciser un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité.

Cette seconde condition vient renforcer, pour la société commerciale, l’intérêt collectif qui est le sien.

Au regard de ces deux premières conditions, il est possible de comprendre l’intérêt que peut représenter la société à mission pour les sociétés sportives. En effet, ces dernières, constituées sous la forme de sociétés commerciales peuvent faire état, dans leurs statuts, d’une raison d’être ainsi que d’un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux qu’elles souhaitent poursuivre.

De surcroit, l’autre condition préciser par le Code de commerce[3] ne limite pas cet intérêt pour les clubs sportifs. En effet, cette condition est plus formelle puisque les statuts doivent prévoir les modalités du suivi et de l’exécution de la mission que constitue la poursuite des objectifs sociaux et environnementaux définies.

Toutefois, l’usage de la qualité de société à mission est contrôlé. En effet, d’une part, la société doit déclarer cette qualité au greffe du Tribunal de commerce qui contrôle la conformité des statuts de la société au regard des conditions susvisées.

D’autre part, l’exécution de la mission de la société fait également l’objet d’un contrôle. Dans un premier temps, un comité de mission comportant au moins un salarié[4] doit être créer dans la société à mission. Ce comité est chargé exclusivement du suivi de l’exécution de la mission et doit notamment présenter annuellement un rapport à l’Assemblée chargée de l’approbation des comptes de la société. Le législateur a précisé qu’un référent de mission peut se substituer au comité de mission dans les entreprises de moins de cinquante salariés[5].

Dans un second temps, un organisme tiers indépendant doit également vérifier l’exécution des objectifs sociaux et environnementaux[6].

Par suite, lorsque les conditions pour user de la qualité de société à mission ne sont pas ou plus remplies, il est possible de saisir le Président du tribunal statuant en référé aux fins d’enjoindre au représentant légal de la société de supprimer la mention « société à mission » de tous les actes, documents ou supports électroniques émanant de la société[7].

L’intérêt de la qualité de société à mission est de pouvoir en faire état. Le risque de perdre la possibilité, pour les sociétés commerciales, d’en faire usage doit motiver ces dernières à s’investir dans la réalisation de la mission qu’elles ont choisi.

Des sociétés sportives ont déjà montré un intérêt pour cette qualité de société à mission, à l’image du club des Neptunes de Nantes ou de celui de l’ASVEL Féminin.

2) La société coopérative d’intérêt collectif (SCIC)

La loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France[8] vient prévoir expressément dans le Code du sport, le recours possible au SCIC pour les sociétés sportives.

La SCIC est définie comme une société anonyme (SA), une société par actions simplifiée (SAS) ou une société à responsabilité limitée (SARL) à capital variable ayant pour objet la production ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif présentant un caractère d’utilité sociale[9].

Par conséquence, les SCIC peuvent avoir une finalité très large tout en s’inscrivant dans le développement de l’économie sociale et solidaire.

A la différence de la société à mission, qui est seulement une qualité que peut utiliser une société commerciale, la SCIC est un véritable élément de structuration de la société. Des obligations doivent alors être respectées.

D’une part, s’agissant de la structuration de la coopérative, celle-ci ne peut être constituée que sous la forme d’une SA, SAS ou SARL. Cette société coopérative est constituée grâce au rassemblement de divers associés, personnes physiques ou morales, qui doivent contribuer par tout moyen à l’activité de cette dernière.

Une SCIC doit également comprendre au moins 3 catégories d’associés dont obligatoirement les personnes qui bénéficient habituellement, à titre gratuit ou onéreux, des activités de la coopérative et les salariés de la coopérative, ou en l’absence de salariés, les producteurs de biens ou de services.

D’autre part, un élément intéressant pour les sociétés sportives, dans la structuration sous forme de SCIC est la possibilité pour les collectivités publiques de s’inscrire au capital d’une telle structure. C’est un enjeu qui peut être déterminant pour les clubs sportifs ayant un fort intérêt local et souhaitant l’entrée au capital des collectivités territoriales.

Toutefois, la présence, au capital d’une SCIC, des collectivités territoriales, de leurs groupements et des établissements publics territoriaux est limitée. En effet, ensemble, ils ne peuvent détenir plus de 50% du capital de la SCIC.

Là encore, des clubs sportifs ont montré un intérêt pour cette structuration tel que le club de football de Bastia qui a choisi cette forme coopérative dans le cadre de sa reconstruction.

La SCIC peut également être une voie de développement intéressante pour des clubs sportifs (sociétés ou associations sportives) qui, ensemble, souhaite unir certaines de leurs forces. Cela a notamment été mis en œuvre dans le Nord, avec la création de la SCIC Linksport’up dans laquelle les actionnaires sont notamment des clubs sportifs.

Pour conclure, les clubs sportifs peuvent et doivent se saisir du droit et des possibilités offertes pour développer au mieux un projet qui leur est singulier et distinctif dans un secteur d’activité concurrentiel.

Il est même possible d’aller plus loin et d’imaginer une société commerciale constituée sous la forme d’une société coopérative d’intérêt collectif ayant la qualité de société à mission. Cela permettant aux acteurs d’être partie à l’économie sociale et solidaire, grâce à la SCIC, et d’inscrire leur choix de poursuivre des objectifs sociaux et environnements qui leurs sont propres.


[1] Article 176 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises

[2] Article 1835 du Code civil

[3] Article L210-10 du Code de commerce

[4] Article L210-10 3° du Code de commerce

[5] Article L210-12 du Code de commerce

[6] Article L210-10 4° du Code de commerce

[7] Article L210-11 du Code de commerce

[8] Article 52 de la loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France

[9] Article 19 quinquies de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération


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