Droit du sport,
Les congés payés dans le sport professionnel
Par Guillaume GHESTEM, Charles CALIMEZ, Avocats, et Victoria DREZE, Juriste
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En France, les congés payés ont fait leur apparition sous Napoléon III le 9 novembre 1853, et Léon Blum plaidant quant à lui en faveur “d’être payé à ne rien faire” et de profiter de son temps libre en 1936.
Aujourd’hui, le régime général des congés payés est prévu aux articles L3141-1 à L3141-33 du Code du travail : le commun des mortels acquiert 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif chez son employeur. Autrement dit, la contrepartie d’une année complète de travail à temps complet pour un salarié lambda est de 30 jours ouvrables, soit 5 semaines sauf convention ou accord collectif plus favorable.
La Convention Collective Nationale du Sport (CCNS), en son chapitre 12 sur le sport professionnel, prévoit un régime spécifique pour les sportifs, et leurs entraîneurs (I). En parallèle, certaines ligues professionnelles dérogent à la CCNS (II) – comme par exemple la Chartedans le monde du football professionnel.
I. Le principe en matière des congés payés pour les sportifs et entraîneurs professionnels.
A. La durée et les périodes de congés payés.
La CCNS prévoit en son article 12.7.2 que “l’impératif de protection de leur santé et de leur vie personnelle et familiale exige que soit garanti aux sportifs professionnels l’aménagement de temps de récupération et des congés minimum”. En effet, un sportif ça se ménage !
Ainsi les sportifs professionnels – exerçant une activité par nature exceptionnelle – bénéficient d’un régime de congés payés dérogatoire avec un durée et des périodes pour poser leurs congés spécifiques.
Les sportifs ont un droit annuel à congés payés de 3 jours ouvrables par mois de travail effectif, sans que la durée du congé exigible puisse excéder 36 jours ouvrables, soit 6 semaines par an.
Ce droit à congés payés doit également être mis en œuvre selon des règles édictées par la CCNS.
Les congés payés doivent être posées en 3 grandes périodes :
Une première période dite “estivale” de 19 jours ouvrables consécutifs entre le 1er mai et le 31 octobre de chaque année. Il s’agit ici de permettre au sportif de se régénérer pour la saison suivante, sans qu’aucune contrainte de la part de son club ne puisse lui être imposée ;
Une deuxième période dite “hivernale” de 5 jours ouvrables consécutifs en fin d’année civile, comprenant au moins le 25 décembre ou le 1er janvier ;
Le solde de 12 jours est réparti – en accord avec le club – en 3 périodes au maximum définies sous réserve des contraintes sportives dès la définition des calendriers fédéraux.
Les entraîneurs professionnels bénéficient, comme les salariés classiques, de 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif.
Fort logiquement, leurs périodes de congés, selon la CCNS, sont étroitement liées au rythme de la saison sportive et aux périodes de congés des sportifs, étant entendu que les exigences de la fonction d’entraîneur font qu’il est susceptible de devoir être présent quelques jours avant la reprise d’activité des joueurs (afin de préparer la saison) et quelques jours après le départ en congé de ceux-ci (pour faire le bilan de celle achevée).
En tout état de cause, les sportifs et entraîneurs professionnels ont la possibilité de poser une partie de leurs congés par anticipation dès la date d’ouverture de la saison sportive. Comme en droit général, les congés payés sont soumis à l’approbation de l’employeur.
B. Le montant de l’indemnité de congés payés.
Durant leurs congés payés, les sportifs et entraîneurs bénéficient d’une indemnité de congés payés égale à la rémunération qu’ils auraient perçue s’ils avaient travaillé au cours de la même période.
II. Les congés payés pour les footballeurs professionnels.
L’article 12.2.2 de la CCNS prévoit le sort des accords collectifs signés avant la signature de son avenant l’avenant n°112 (intégrant le chapitre 12 sur le sport professionnel). Cette stipulation prévoit que les conventions et accords collectifs antérieurs ne sont pas soumis aux dispositions prévues par l’article 12.2.1. Autrement dit, ces accords collectifs gardent leur indépendance vis-à-vis du chapitre 12 de la CCNS sur le sport professionnel. Une liste exhaustive des accords concernés est faite à l’article 12.2.2 de la CCNS.
Nous développerons ici les dispositions relatives aux congés payés de la Charte du football professionnel.
A. La durée et la période des congés payés pour les joueurs professionnels.
Dans le monde du football professionnel, le régime des congés payés est prévu à l’article 259 de la cCharte du football professionnel (la Charte).
La durée des congés payés annuels pour les joueurs professionnels est de 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif en application de l’article L3141-1 et suivants du Code du travail.
Ainsi, Neymar & consorts ont – comme la majorité des salariés français – 5 semaines de congés payés par an et non 6 semaines comme les autres athlètes soumis à la CCNS.
Les Clubs sont tenus d’informer le service juridique de la LFP des dates exactes des périodes de congés arrêtées au sein du Club pour l’effectif des joueurs sous CDD spécifique.
La Charte prévoit également une fixation des congés payés selon trois périodes :
Une première de 18 jours ouvrables consécutifs minimum à l’intersaison à l’exception des joueurs sous contrat professionnel mis à disposition de leurs équipes nationales ;
Une deuxième de 6 jours consécutifs minimum en fin d’année civile, comprenant au moins le 24 et 25 décembre sauf cas exceptionnels ;
Le solde des 6 jours peuvent être accordés par l’employeur pendant la saison sportive. Pour le joueur sous contrat, un report sur la saison suivante du solde de congés est possible. Le joueur en fin de contrat peut bénéficier du versement d’une indemnité compensatrice en fin de saison sportive.
Par principe, la période de congés doit être la même pour l’ensemble de l’effectif du club, sauf pour les joueurs sélectionnés dans leurs équipes nationales d’une part, et pour les joueurs convoqués pour jouer avec une autre équipe que l’équipe première du club d’autre part.
B. Les congés payés pour les joueurs sélectionnés dans leurs équipes nationales.
La Charte du football professionnel régit les congés payés des joueurs mis à disposition de leurs équipes nationales (art. 259, 3).
D’une part, concernant les joueurs internationaux convoqués par leur équipe nationale pour participer à une compétition internationale entre la fin de la dernière saison et la reprise en club, leur employeur s’engage à faire en sorte qu’ils puissent prendre effectivement des congés.
Les joueurs internationaux se verront garantir une période de congés minimum de 10 jours ouvrables consécutifs (contre 18 jours pour les joueurs non-sélectionnés). Toutefois, un accord plus avantageux peut être opéré entre le joueur et son club, qui reste l’employeur lors d’une mise à disposition du salarié en équipe nationale.
La période de congés concernée commencera le lendemain du dernier jour de la mise à disposition du joueur en équipe nationale.
D’autre part, pour tout joueur ayant changé de club au 1er juillet, et n’ayant pu bénéficier des congés d’intersaison pour cause de sélection nationale pourra prendre des congés par anticipation.
La Charte garantit au joueur une période de congés minimum de 10 jours ouvrables consécutifs. La période est prise en accord entre le nouveau club et le joueur et selon la situation sportive individuelle concernée pendant la période de mise à disposition.
Il ressort de ces différentes stipulations que le football professionnel possède un régime dérogatoire de la CCNS, moins favorable aux joueurs professionnels salariés.