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Droit du sport,

Le contrôle d’honorabilité est-il suffisant ?

Par Guillaume GHESTEM, Avocat, Victoria DREZE, Juriste, et Anthony PASCHAL, Etudiant.

Photo by Adrià Crehuet Cano on Unsplash

Le 21 février 2020, la Ministre des sports Roxana MARACINEANU annonçait aux fédérations sportives vouloir faire de ses priorités le « renforcement des conditions de sécurité des pratiquants, notamment des mineurs, contre toute forme de déviance ».

Le contrôle d’honorabilité des éducateurs d’activités physiques et sportives est alors apparu comme une solution permettant de prévenir des violences dans le sport. En effet, le salarié ou le bénévole qui enseigne, anime, encadre une activité physique et sportive ou entraîne des pratiquants que ce soit à titre d’occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle[1], ne peut pas avoir fait l’objet d’une condamnation pénale ou d’une mesure de police administrative (interdiction d’exercer, etc.).

Le 9 mars 2022, lors de la 3ème Convention nationale de prévention des violences dans le sport, la cellule ministérielle chargée de traiter les signalements de violences sexuelles indique avoir recensé plus de 600 affaires depuis sa mise en place en fin décembre 2019[2].

Parmi les personnes mises en cause, 395 sont des éducateurs sportifs et 80% d’entre eux exercent en tant que professionnels.

Il est alors inévitable d’interroger sur l’efficacité de l’obligation d’honorabilité.

Cette obligation n’est pas nouvelle, mais a été récemment renforcée.

En effet, il existait déjà, en pratique, un contrôle d’honorabilité annuel et automatisé pour les éducateurs sportifs professionnels, autrement dit pour ceux qui exercent contre rémunération et qui doivent être titulaires d’une carte professionnelle.

L’innovation tient à l’extension de ces exigences aux éducateurs bénévoles licenciés.

Plus précisément, l’honorabilité est une obligation prévue par les articles L212-9 et L322-1 du Code du sport.

Il ressort de ces dispositions que l’exercice des fonctions d’éducateur sportif, contre rémunération ou bénévolement, est interdit :

  • auprès de tous publics (mineurs et majeurs), aux personnes ayant fait l’objet d’une condamnation crime ou délit visés à l’article L212-9 du Code du sport (violences, agressions sexuelles, trafic de stupéfiants, fraude fiscale, etc.) ;
  • auprès des mineurs, aux personnes ayant fait l’objet d’une mesure administrative de suspension ou d’interdiction en lien avec un accueil de mineurs.

Ainsi, l’obligation d’honorabilité s’applique à l’éducateur d’activités physiques et sportives peu importe la dénomination qu’il revêt dans sa discipline et peu importe son diplôme (ou l’absence de diplôme).

Par exemple, un licencié peut exercer des fonctions d’éducateur, y compris si ses interventions sont très ponctuelles ou aléatoires et sont réalisées uniquement auprès de majeurs ou se limitent à la gestion ponctuelle d’un groupe lors d’un match, d’un entraînement ou d’un stage.

Par la suite, le législateur a étendu l’obligation d’honorabilité aux juge-arbitres, surveillants de baignade de piscine à accès payant et exploitants d’établissements d’activités physiques et sportives (membres du Bureau, Comité directeur, etc.)[3].

Dernièrement, ce sont les entraîneurs salariés et bénévoles de jeux vidéo ou d’e-sport[4] qui ont rejoint cette liste.

Mais quid du contrôle en lui-même ?

En vigueur depuis le 31 mars 2021, l’article D131-2 du Code du sport prévoit que les personnes soumises aux dispositions des articles L212-9 et L322-1 dudit code sont informées par les fédérations sportives qu’elles peuvent faire l’objet d’un contrôle portant sur le respect de leur obligation d’honorabilité.

Plus précisément, il est question de constater l’absence de condamnations définitives sur le Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) et sur le Bulletin numéro 2 du casier judiciaire (B2).

Depuis peu, cette vérification est effectuée annuellement et de manière automatisée via la plateforme « SI Honorabilité »[5] qui croise les données des documents susmentionnées avec un fichier fédéral recensant les identités complètes[6] des licenciés des clubs sportifs.

En outre, si une incapacité est révélée, le licencié ne pourra exercer en tant qu’encadrant bénévole ou salarié et verra la licence demandée à ce titre refusée ou annulée par sa fédération. Le préfet sera, quant à lui, dans l’obligation de notifier cette incapacité à l’intéressé (TA Nice, 10 octobre 2016, 1603799).

Dans le respect du RGPD :

  • Les données sont conservées pendant une année maximum. Sauf, celles relatives à une mesure de suspension, une injonction de cesser d’exercer ou une interdiction d’exercer qui le sont pendant toute la durée de la mesure, augmentée d’un délai de quinze jours.
  • La notification de l’incapacité à la Fédération ne précise pas la nature du crime ou du délit commis par l’intervenant.
  • Les éducateurs contrôlés disposent, dans le cadre de la loi CNIL, du droit d’accès et de rectification, mais ne bénéficient pas du droit d’opposition à ces données en raison de l’objectif d’intérêt général du contrôle d’honorabilité[7].

Il importe de rappeler que l’éducateur sportif, soumis à la déclaration d’honorabilité, qui refuse de transmettre les informations nécessaires au contrôle doit immédiatement quitter ses fonctions au sein de la structure sportive. A défaut, il s’expose à une peine d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende[8].

L’éducateur risque également d’être licencié pour faute grave par la structure sportive qui l’emploie.

Cependant, le dispositif « SI Honorabilité » fait apparaître quelques lacunes.

La première tient au fait que les non licenciés échappent au contrôle d’honorabilité.

Il est alors primordial pour les structures sportives de trouver des alternatives.

De prime abord, la demande d’une attestation sur l’honneur ou d’un extrait du casier judiciaire semble suffisante pour s’assurer de l’éthique sportive du futur éducateur. En réalité, ils ne sauraient remplacer le contrôle effectif du B2, document qu’un particulier ne peut se voir personnellement délivré.

Les fédérations ne sont d’aucune aide en l’espèce. Ces dernières sont uniquement habilitées à recueillir les éléments relatifs à l’identité de leurs licenciés soumis aux exigences d’honorabilité[9]. Autrement dit, les fédérations s’exposent à de lourdes sanctions pénales[10] en soumettant intentionnellement à ce contrôle, l’identité d’une personne en dehors du champ d’application de celui-ci. 

Une dernière opportunité est alors à envisager, bien qu’elle ne permette pas de juger de l’honorabilité. Ainsi, dans le cas où le maintien en activité de l’encadrant constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants et en particulier des mineurs[11], les structures sportives peuvent effectuer un recours auprès du préfet qui, par arrêt motivé, est apte à prononcer une interdiction d’exercer, temporaire ou définitive, de tout ou partie des fonctions à l’encontre de l’éducateur.

Dans un second temps, il semble regrettable de ne pas soumettre aux exigences d’honorabilité, les sportifs, le personnel médical et les parents accompagnateurs alors que ces derniers passent énormément de temps dans les structures sportives et font l’objet de nombreuses interactions sociales.

Enfin, il s’avère il y avoir d’autres difficultés telles que :

  • l’incompatibilité des identités transmises par les fédérations avec le Répertoire National de l’Identité des Personnes Physiques empêchant le croisement des données avec le FIJAISV et le B2 ;
  • l’inactivité d’environ 40% des fédérations sportives qui n’ont encore jamais déposé un dossier recensant l’identité de leurs licenciés.

L’obligation d’honorabilité est sans équivoque indispensable pour la protection des jeunes sportifs, mais le dispositif semble encore fragile.

Il faut cependant reconnaître les encourageants résultats du système « SI Honorabilité ». En effet, plus de 215 000 licenciés parmi lesquels figurent des éducateurs sportifs professionnels et bénévoles ont déjà été contrôlés.

Cela étant, ce dispositif ne permet pas, du moins pas encore, d’endiguer les violences commises dans le sport comme en témoignent les 30 signalements effectués entre janvier et mars de cette année.

Par conséquent, le contrôle d’honorabilité ne doit pas dispenser les structures sportives de rester vigilantes lorsqu’elles confient l’encadrement d’activités physiques et sportives à un éducateur sportif.

Un effort de prévention et de sensibilisation doit donc être réalisé. Il aura assurément pour corollaire, la réduction du nombre de violences et la sortie du silence des victimes, notamment mineures.

Pour ce faire, des fiches récapitulatives sont à ériger et à afficher obligatoirement. Elles pourraient comprendre des informations relatives au respect des droits et à l’intimité de chacun, aux procédures de signalement ainsi qu’au devoir d’en parler et/ou d’avertir les autorités compétentes.

Mais d’autres solutions peuvent également être évoquées :

  • L’adoption de comportements “anti-risque” tels que le respect des vestiaires séparés ;
  • L’augmentation du nombre de surveillants ;
  • La formation des éducateurs sportifs mêmes bénévoles ;
  • etc.

Un effort d’incitation doit lui aussi être fourni tant par le Ministère chargé des sports que par les fédérations sportives.

Le premier doit enjoindre les secondes à recourir au dispositif « SI Honorabilité » tandis que ces dernières pourraient ériger pour leurs organes déconcentrés des mémos explicatifs facilitant le recueil des identités des licenciés. 


[1] Article L212-1 du Code du sport.

[2] Dossier de presse de la 3ème Convention nationale de prévention des violences dans le sport.

[3] Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.

[4] Loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France.

[5] Arrêté du 31 mars 2021 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « SI Honorabilité ».

[6] Civilité / genre ; nom de naissance ; prénom ; date de naissance ; lieu de naissance.

[7] Limitation permise par l’article 23 du RGPD puisque les « finalités projetées sont déterminées, explicites et légitimes » conformément aux dispositions de l’article 5.1.b du RGPD.

[8] L212-10 du Code du sport.

[9] Article D131-2-1 du Code du sport.

[10] Article 226-21 du Code pénal.

[11] Articles L212-13 du Code du sport et L227-10 du Code de l’action sociale et des familles.

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