Droit du sport,
L’homologation du CDD spécifique
Par Guillaume GHESTEM, Charles CALIMEZ, Avocats, et Victoria DREZE, Juriste
Photo by Scott Graham on Unsplash
Le Code du sport et la Convention collective nationale du sport (CCNS), qui est la principale convention collective applicable dans le monde du sport, prévoient que la Fédération, et le cas échéant la Ligue professionnelle, puissent introduire au sein de leurs règlements une procédure d’homologation des contrats de travail des sportifs et entraîneurs professionnels (L222-2-6 du Code du sport et 12.4 de la CCNS). Selon le Professeur KARAQUILLO, cette procédure permet “de vérifier que la conclusion des contrats de travail est en concordance avec les règles fédérales sur les mutations et les qualifications”. Cette procédure d’homologation est loin d’être anodine, notamment pour les clubs sportifs, et peut engendrer d’importantes conséquences, parfois préjudiciables.
Il est désormais inscrit dans la loi que le sport est un domaine particulier où les règles générales du droit du travail n’ont pas toujours vocation à s’appliquer. Face aux impératifs posés par un monde concurrentiel où le principe de l’équité des compétitions gouverne, le législateur est intervenu, par le biais de la loi du 27 novembre 2015, pour conforter la place du contrat de travail à durée déterminée dans le sport professionnel.
Désormais, pour la bonne application des règles du Code du sport, les sportifs et entraîneurs professionnels bénéficient d’une définition légale. Ainsi, l’article L. 222-2 du Code du sport dispose que :
Le sportif professionnel se définit comme toute personne ayant pour activité rémunérée l’exercice d’une activité sportive dans un lien de subordination juridique avec une association sportive ou une société sportive. L’entraîneur professionnel est quant à lui définit comme toute personne ayant pour activité principale rémunérée de préparer et d’encadrer l’activité sportive d’un ou plusieurs sportifs professionnels salariés dans un lien de subordination juridique avec une association sportive ou une société sportive et titulaire d’un diplôme, d’un titre à finalité professionnelle ou d’un certificat de qualification.
Ces définitions permettent d’encadrer le champ d’application des dispositions du Code du sport relatives au CDD spécifique, notamment celle relative à la procédure d’homologation.
La procédure d’homologation est une spécificité du monde sportif professionnel. En effet, par cette procédure, un tiers au contrat de travail, la Fédération ou Ligue professionnelle à laquelle est affiliée le club employeur, peut se prononcer sur la validité dudit CDD. Ce pouvoir discrétionnaire qui est laissé aux fédérations et ligues professionnelles ne s’exercent pas sans condition.
Pour pouvoir exercer un contrôle sur les contrats de travail conclus entre les clubs et les joueurs ou entraîneurs professionnels, l’instance concernée doit prévoir cette procédure d’homologation, ses modalités et ses conséquences sportives en cas de refus d’homologation, au sein de son règlement.
Ainsi, la Fédération (ou Ligue professionnelle) concernée peut, en principe, simplement impacter l’aspect sportif lié au CDD spécifique en cas d’absence ou de refus d’homologation. Généralement, la sanction appliquée par ces instances consiste en une impossibilité pour le joueur ou l’entraîneur professionnel concerné de participer aux compétitions officielles de ladite instance.
Toutefois, il arrive que la sanction du refus ou de l’absence d’homologation soit extra-sportive. En effet, selon l’article L. 222-2-6 alinéa 2 du Code du sport, l’absence d’homologation du CDD spécifique peut faire obstacle à son entrée en vigueur, au sens juridique du terme, si une convention ou un accord collectif le prévoit.
Une telle prévision a été inclue au sein de la convention collective du rugby professionnel à son article 2.1 du Titre II sur le statut des joueurs. Cet article dispose que “Tout contrat, conclu entre un Club et un joueur non homologué est dépourvu d’existence et d’effets”. Ainsi, si le CDD spécifique n’est pas homologué par la Ligue nationale de rugby, il est purement et simplement annulé. La même prévision est insérée au titre suivant de la convention collective du rugby professionnel pour les entraîneurs professionnels et les préparateurs physiques.
Cette prévision est en réalité une bonne chose pour les clubs sportifs. En effet, en cas de refus d’homologation du CDD spécifique, ce dernier est annulé. Il conviendrait toutefois d’articuler cette prévision avec des jurisprudences concernant des faits antérieurs qui valident l’entrée en vigueur du CDD malgré un refus d’homologation, notamment lorsque le refus d’homologation est imputable à l’employeur (Cass. soc., 8 avril 2021, n°18-25.645).
En tout état de cause, si aucune convention collective ou accord applicable à la relation de travail ne prévoit cette conséquence en cas de refus ou d’absence d’homologation, le CDD spécifique est maintenu entre les parties (Article L. 222-6-2 du Code du sport). Le club ne peut pas rompre de manière anticipée ce CDD pour défaut d’homologation car ce n’est pas une cause de rupture prévue par le Code du travail pour un contrat à durée déterminée (Article L. 1243-1 du Code du travail).