Droit du sport,
Investir dans le sport avec un crédit d’impôt ?
Par Guillaume GHESTEM, Avocat, et Victoria DREZE, Juriste
Photo by Olga DeLawrence on Unsplash
Depuis maintenant plus d’un an et demi, la France, à l’instars des autres pays du monde, traverse une crise sanitaire et économique sans précédent. Cette crise a été désastreuse pour beaucoup d’entreprises, notamment les PME, mais également dans le monde du sport. Des stades et des salles sans spectateurs pendant une longue période, des problèmes de diffuseurs pour la télévision, une chute considérable des revenus issus du mécénat et des partenariats sportifs. Pour aider les acteurs du monde du sport, et notamment les clubs sportifs et les sportifs de haut niveau, certains députés tentent de mettre en place un crédit d’impôt exceptionnel pour favoriser les partenariats sportifs.
Cela fait depuis mai 2020 que divers acteurs du sport travaillent à l’élaboration d’un dispositif permettant de maintenir cette économie à flot. L’un des principaux investigateurs du projet est l’organisation interprofessionnelle Sponsora. Selon l’étude qu’elle a réalisée, le sponsoring sportif représenterait environ 2,5 milliards d’euros en France. Pour tenter de limiter la perte de sponsors des clubs, notamment amateurs, Sponsora proposait un crédit d’impôt de 20 à 30% pour les dépenses de sponsoring sportif dans la limite de 100 000 euros, destinés aux TPE et PME.
Cette mesure a fait l’objet d’un amendement discuté à l’Assemblée nationale puis au Sénat en juillet 2020, sur l’initiative du députe Cédric ROUSSEL. Ce projet a été rejeté, tout comme les suivants. En effet, un autre amendement a été proposé à l’Assemblée nationale le 7 novembre 2020 par Mesdames AMADOU, GOULET et ERRANTE. L’objet de cet amendement était d’instaurer un crédit d’impôt transitoire sur 2020 et 2021 sur les dépenses de partenariat sportif. Ce dernier, finalement rejeté, était rédigé de la manière suivante :
« XL. – Crédit d’impôt transitoire pour dépenses de partenariat sportif
Art. 244 quarter Y. – I. – Les entreprises imposées d’après leur bénéfice réel peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt au titre de leurs dépenses de partenariat sportif. Ce crédit d’impôt est égal à 30%.
II. – Les dépenses ouvrant droit au crédit d’impôt mentionné au I du présent article sont celles de l’année en cours visant à apporter un soutien financier à une association sportive, à un sportif de haut niveau au sens de l’article L. 221-1 du code du sport ou à une société sportive au sens de l’article L.122-2 du code du sport participant à des compétitions organisées par les fédérations sportives agréées en contrepartie d’une promotion de l’image de marque de l’entreprise à l’origine de cette dépense.
III. – Le crédit d’impôt est plafonné pour chaque entreprise, y compris les sociétés de personnes, à 100 000 d’euros. (…) ». *
Cette disposition ne devait s’appliquer uniquement aux dépenses réalisées entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2021.
Depuis juillet 2020, aucune des propositions n’a été retenue. Une nouvelle tentative a été effectuée entre juin et juillet 2021 mais le Sénat n’a pas adopté l’amendement 240 qui lui été proposé.
Fin octobre 2021, le député Cédric Roussel a relancé une proposition visant à créer un crédit d’impôt de ce type. Il fonde sa proposition sur l’arrivée des jeux de Paris 2024 et sur le soutien qui est nécessaire aux clubs et athlètes français pour performer lors de cet évènement. Il propose « l’instauration d’un crédit d’impôt sponsoring pour l’année fiscale 2022, à pérenniser jusqu’aux Jeux Olympiques de Paris 2024 » avec un taux de 20% plafonné aux contrats inférieurs à 100 000 euros.
L’amendement proposé par Cédric Roussel demande au Gouvernement d’établir un rapport, dans les six mois suivants l’adoption de la loi, pour encourager le sponsoring sportif. Dans la nuit du 25 au 26 octobre 2021, cet amendement a été adopté par l’Assemblée nationale. La ministre chargée des sports, Roxana Maracineanu s’est déclarée favorable à un tel amendement. L’objectif étant de faire de la France « une nation sportive ».
Un nouvel amendement à la loi de finances pour 2022 a été présenté par la députée Perrine Goulet en novembre 2021. Ce dernier concerne la mise en place d’un crédit d’impôt transitoire de 30% au titre des dépenses de partenariat sportif plafonné à 100 000 euros. Ce texte a été examiné par l’Assemblée nationale le 10 novembre 2021.
Au dernier état du projet de loi de finances pour 2022, rejeté par le Sénat dans sa globalité le 23 novembre 2021, seul un article concerne ce possible crédit d’impôt. Il s’agit de l’article 55 disposant que :
« Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les moyens d’encourager les dépenses de partenariat sportif des entreprises, dans la perspective de l’accueil des jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024 ». **
Le crédit d’impôt n’est donc plus mentionné en tant que tel, mais seulement possible si le Gouvernement prévoit ce dispositif dans son rapport. Faut-il encore que cet article de la loi de finances pour 2022 soit adopté en ce sens…
Pour mémoire, un projet de loi de finances est établi par le Gouvernement et déposé à l’Assemblée nationale au plus tard le premier mardi d’octobre, soit le 5 octobre cette année. L’Assemblée nationale et le Sénat disposent ensuite de 70 jours pour examiner et voter ce projet de loi, soit jusqu’au 14 décembre 2021. Passé ce délai, le Gouvernement est libre de mettre le projet de loi de finances en œuvre par voie d’ordonnance.
La réponse concernant l’adoption ou non d’un tel crédit d’impôt, ou de tout autre dispositif fiscal de faveur, pour inciter le sponsoring sportif, devrait intervenir au plus tard avant les fêtes de Noël. Un rendez-vous qui sera certainement très attendus de toutes les associations et sociétés sportives, mais également des sportifs de haut niveau qui n’ont trop souvent que le sponsoring pour financer leur carrière.